Le coaching entrepreneurial : accompagner l’individu derrière l’entreprise

Lors de notre précédent article, nous avons exploré la littérature scientifique sur l’accompagnement entrepreneurial. L’accompagnement se transforme, en passant d’une standardisation à une personnalisation des méthodes mobilisées. Parmi ces dernières, on retrouve notamment le coaching – méthode d’accompagnement que nous avons récemment intégrée à notre programme TIH-Booster. 

Une entreprise ou un entrepreneur : une frontière floue entre la personne et l’organisation 

Un premier élément sur lequel s’accorde la littérature scientifique est la difficulté de dissocier l’entrepreneur et l’entreprise lors des premières années de celle-ci (Couteret & Audet, 2005 ; Jaouen, 2022). En effet, la stratégie de l’entreprise émerge des choix personnels de l’entrepreneur, influencés par sa personnalité, ses valeurs, ses préférences et sa vision du monde. L’individualité de l’entrepreneur devient alors la principale caractéristique de l’entreprise, ce qui exacerbe la vulnérabilité de la structure (Jaouen, 2022). Dans ce contexte, le coaching se positionne comme une approche privilégiée, reconnaissant le rôle central du dirigeant dans l’évolution de son entreprise (Couteret & Audet, 2005). Il comble un angle mort commun à l’accompagnement entrepreneurial, qui consiste à se limiter aux dimensions techniques “en posant l’hypothèse implicite que la personne de l’entrepreneur suivra et saura faire face aux exigences du développement de l’entreprise” (Cloët & Vernazobres, 2012, p.126). En initiant un travail de (re)construction identitaire en lien avec les choix stratégiques de l’entrepreneur, le coaching aide à concilier les aspects individuels susceptibles de perturber la gestion et les prises de décision entrepreneuriales, tels que les doutes sur soi, sur le projet, et sur la capacité à le mener à bien (Ibid., p.125).

Une relation basée sur la confiance : le coach et le coaché

Dans cette optique, le coaching repose sur trois fondements : l’entrepreneur bénéficiaire du coaching, le coach lui-même et la dynamique de leur accompagnement. Du côté de l’entrepreneur, une ouverture à l’assistance extérieure est primordiale. Selon Couteret & Audet (2005), la capacité de l’entrepreneur coaché à accueillir les changements proposés par le coach est la variable la plus influente dans le succès du coaching entrepreneurial. D’ailleurs, une problématique souvent rencontrée par les coachs est la difficulté pour l’entrepreneur à s’engager sans réserve dans le processus d’accompagnement ; or, plus il tarde à s’ouvrir, plus sa situation peut se détériorer, compromettant ainsi l’efficacité du coaching (Audet & Couteret, 2012). 

Le coach, en tant que deuxième acteur majeur de cette relation, doit faire preuve d’une grande adaptabilité pour comprendre les besoins et les attentes spécifiques de l’entrepreneur. Deux qualités essentielles émergent alors dans la pratique du coaching : l’empathie et la capacité d’écoute (Ibid.). De plus, le coach doit maîtriser les « codes » du monde des petites entreprises. Bien qu’il ne soit pas nécessairement un expert dans le domaine d’activité de l’entrepreneur, il sait saisir les enjeux propres à son contexte particulier. En fin de compte, le coach est capable de communiquer dans le même « langage » que l’entrepreneur qu’il accompagne, afin d’être perçu non comme un étranger mais comme un « insider » (Ibid.). Cette posture favorise la confiance de l’entrepreneur envers l’expertise du coach. 

Les fondements de la relation entre l’entrepreneur et le coach : un contrat moral

La relation entre l’entrepreneur et le coach est principalement interpersonnelle, ce qui la rend particulièrement délicate et complexe à mettre en place (Cloët & Vernazobres, 2012). Le coaching repose sur un partenariat symétrique entre deux individus, sans qu’il y ait une ascendance de l’un sur l’autre, contrairement à d’autres formes d’accompagnement telles que le mentorat ou le tutorat (Jaouen, 2022). Pour ce faire, le coach et l’entrepreneur entretiennent un dialogue ouvert et non directif, visant à « aider un porteur de projet à se développer, à mieux s’organiser, à mieux valoriser ses ressources, en particulier humaines” (Barès et al., 2018, p.9).

Afin de favoriser le succès de cet accompagnement, généralement d’une durée de 6 à 12 mois, Couteret & Audet (2005) recommandent notamment de formaliser la relation entre l’entrepreneur et le coach au moyen d’un contrat moral définissant la nature de la relation, les attentes du client, les objectifs du coach et les échéances temporelles.

Un processus d’apprentissage professionnel et personnel 

Cette formalisation pourrait être d’autant plus utile que les objectifs du coaching diffèrent de ceux d’un accompagnement plus traditionnel. Par exemple, le mentoring vise moins à s’adapter aux besoins spécifiques de l’individu qu’à lui transmettre les compétences techniques essentielles à tout entrepreneur (Audet & Couteret, 2012).

Ainsi, alors que le mentor guide le créateur dans l’acquisition des compétences techniques nécessaires à son nouveau rôle d’entrepreneur, le coach se concentre sur des actions ciblées, encadrant le créateur à travers une série de questionnements portant sur les décisions et les actions à entreprendre (Barès et al., 2018, p.9). Tandis que le mentoring s’inscrit dans une logique d’apprentissage passif, à l’instar du verbe anglais « teaching », le coaching adopte une posture de transmission durable d’un savoir-faire entrepreneurial, semblable au verbe anglais « learning » (Couteret & Audet, 2005). Cette distinction reflète la dichotomie présentée par Argyris & Schön (1996) entre l’apprentissage en simple boucle, où l’individu reproduit ce qu’on lui enseigne, et l’apprentissage en double boucle, où l’individu est amené à réfléchir sur ses propres connaissances pour adopter de nouveaux modes d’action.

Par-delà la performance économique : répondre aux aspirations individuelles et collectives 

Le coaching représente-t-il la solution miracle pour assurer la pérennité de toute activité entrepreneuriale ? Il est indéniable que « l’établissement d’un lien de causalité directe entre le coaching entrepreneurial et la performance commerciale, par exemple, est impossible, étant donné le nombre de variables explicatives impliquées dans la détermination de cette dernière et l’impossibilité d’isoler ces variables les unes des autres » (Couteret & Audet, 2005, p.146).

Cependant, l’intérêt du coaching ne réside pas exclusivement dans la maximisation de la performance économique, car cette méthode d’accompagnement se concentre précisément sur les objectifs de l’entrepreneur dans leur totalité, englobant à la fois les dimensions professionnelles et personnelles. L’entrepreneur peut par exemple exprimer le désir de prioriser son temps en dehors du travail, une considération que le coach intègre dans son accompagnement (Jaouen, 2022). Ainsi, la croissance économique peut être reléguée au second plan par l’entrepreneur en faveur d’un mode de vie privilégié, se contentant d’une stabilité économique. Dans ce contexte, l’efficacité du coaching est évaluée en fonction de la perception qu’en ont les parties prenantes, au-delà de la santé économique de l’entreprise.

Le coaching apparaît alors comme une méthode incontournable de l’accompagnement des entrepreneurs en début de parcours, d’autant plus s’ils sont en situation de handicap puisqu’elle permet de prendre en compte les besoins spécifiques de chacun. Bien que le coaching ne garantisse pas le succès entrepreneurial, il favorise indéniablement la résilience de l’entrepreneur face aux épreuves rencontrées en cours de route (Ibid.). L’échec entrepreneurial peut alors se transformer en une source d’apprentissage dans laquelle l’individu puise pour continuer à développer son projet de vie, que cela passe par la création d’une autre structure, le retour au salariat… ou un road trip accessible !

Article rédigé par Dr Narcis Heraclide, responsable de la recherche

Bibliographie

  • Audet, J., & Couteret, P. (2012). Coaching the entrepreneur: features and success factors. Journal of Small Business and Enterprise Development, 19(3), 515–531. https://doi.org/10.1108/14626001211250207ï
  • Barès, F., Cova, B., & Hombourger-Barès, S. (2018). Coaching entrepreneurial : comment intégrer la passion ? Entreprendre & Innover, n° 35(4), 7–18. https://doi.org/10.3917/entin.035.0007
  • Cloët, H., & Vernazobres, P. (2012). La place du coaching dans l’accompagnement de l’entrepreneuriat : l’évolution des idées et des pratiques en France, sa traduction dans les faits en Languedoc-Roussillon. Management & Avenir, n° 53(3), 121–141. https://doi.org/10.3917/mav.053.0121
  • Couteret, P., & Audet, J. (2005). Le coaching, comme mode d’accompagnement de l’entrepreneur. Revue Internationale de Psychosociologie, 12, 141–160.
  • Jaouen, A. (2022). Le coaching d’entrepreneur : réflexions théoriques et perspectives pour l’accompagnement. Revue de l’Entrepreneuriat, Vol. 21(1), 65–92. https://doi.org/10.3917/entre1.pr.0013

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