La pair-aidance : quel soutien entre pairs pour les personnes en situation de handicap ? 

La pair-aidance est une pratique de soutien mutuel entre personnes ayant des expériences similaires. Elle s’avère être une approche pertinente pour l’accompagnement des personnes en situation de handicap. En valorisant les savoirs expérientiels, cette forme d’entraide apporte une nouvelle dimension aux pratiques d’autonomisation. Aussi, notre article explore-t-il l’évolution historique et les implications contemporaines de la pair-aidance, en s’intéressant à son potentiel pour le cas des travailleurs indépendants handicapés.

Historique et évolution de la pair-aidance

La pair-aidance trouve ses racines dans les recovery circles aux États-Unis, qui émergent au XIXème siècle. Ces cercles de rétablissement consistaient en des groupes d’anciens alcooliques, qui se réunissaient pour se soutenir mutuellement dans leur démarche d’abstinence (Cardinal et al., 2013). Le concept de soutien par les pairs a alors rapidement prouvé son efficacité. Par exemple, en offrant aux participants un espace de compréhension et de partage où ils pouvaient exprimer leurs défis et célébrer leurs succès sans jugement.

En France et au Québec, les Alcooliques Anonymes ont été pionniers dans l’adoption de la pair-aidance. Fondée sur le partage d’expériences et le soutien mutuel, cette organisation a démontré que les savoirs expérientiels pouvaient être une ressource inestimable pour favoriser l’autonomie et la réappropriation du pouvoir des usagers sur leur propre trajectoire de vie (Cloutier & Maugiron, 2016). La pair-aidance se développe rapidement en atteignant le secteur médical, notamment pour les questions de santé mentale, grâce à l’implication de patients comme Judi Chamberlin. Cette figure du militantisme des droits des patients en psychiatrie plaide, dans les années 1980, pour un accompagnement basé sur l’entraide mutuelle et l’empowerment (Charlier & Sandron, 2018).

Son appel a marqué une étape cruciale dans l’évolution de la pair-aidance, en mettant l’accent sur la nécessité de créer des espaces où les individus pouvaient non seulement recevoir du soutien, mais aussi jouer un rôle actif dans leur rétablissement et celui des autres (Cardinal et al., 2013).

La pair-aidance dans l’accompagnement des PSH

La pair-aidance en santé mentale repose sur l’intégration dans les équipes soignantes de personnes ayant une expérience personnelle de rétablissement, appelées pair-aidants. Il s’agit ainsi d’une professionnalisation du vécu d’un patient, afin de compléter les savoirs formels des professionnels de santé. En revanche, ce modèle de pair-aidance n’est pas applicable telle quelle pour les personnes en situation de handicap, puisque celles-ci ne s’inscrivent pas toujours dans un parcours de soin.

On retrouve alors le concept de pair-émulation, illustré par le mouvement Independent Living, né aux États-Unis dans les années 1960, qui vise à promouvoir l’autonomie des personnes en situation de handicap (Bonnami, 2019). Ce mouvement se veut être une réponse aux limitations imposées par les institutions traditionnelles qui, souvent, confinaient les personnes en situation de handicap hors des villes, dans des instituts spécialisés. En mettant l’accent sur l’autonomisation et la reconnaissance des droits civiques et sociaux des personnes handicapées, le mouvement Independent Living a joué un rôle crucial dans l’amélioration de leur qualité de vie et de leur inclusion sociale. Les pair-aidants, issus de ce mouvement, travaillent ainsi aux côtés des personnes en situation de handicap pour les aider à naviguer dans les systèmes de soutien, à accéder aux ressources nécessaires et à développer des compétences pour vivre de manière autonome. 

Les avantages et défis de la pair-aidance

Pair-aidance, pair-émulation, entraide par les pairs… Les différentes formes que peuvent prendre cette approche ont de nombreux avantages, comme la rupture avec l’isolement, la transmission d’histoires positives et l’identification mutuelle entre pairs, ce qui renforce l’estime de soi et la confiance en ses propres capacités (Gardien, 2022). En outre, les échanges entre pairs permettent une meilleure compréhension des défis personnels et une relecture de ses expériences sous un nouvel éclairage, facilitant ainsi le discernement et la résolution des problèmes (Idem).

Cependant, la pair-aidance comporte également des défis. Les pairs-aidants peuvent se retrouver dans une position précaire, confrontés à des questions de reconnaissance, de financement et de légitimité institutionnelle (Charlier & Sandron, 2018). La professionnalisation de la pair-aidance peut également entraîner des tensions entre le soutien mutuel et l’intervention professionnelle, nécessitant une formation adaptée pour maintenir un équilibre entre ces deux dimensions (Veit, 2018).

Le potentiel de la pair-aidance pour les Travailleurs Indépendants Handicapés

Pour conclure, en reconnaissant la valeur des expériences vécues et en encourageant le partage et la collaboration entre pairs, la pair-aidance contribue à la création d’un tissu social plus résilient et plus inclusif. On peut alors s’interroger sur l’application et la pertinence de la pair-aidance pour l’accompagnement des travailleurs indépendants handicapés. En partageant leurs expériences, les pairs-aidants peuvent aider ces travailleurs à surmonter les obstacles spécifiques liés à leur handicap et à développer des stratégies d’autonomisation et de résilience. Par exemple, les pairs-aidants peuvent offrir des conseils pratiques et des stratégies pour naviguer dans les défis professionnels spécifiques liés au handicap, tels que l’accès aux aménagements raisonnables, la gestion du temps et des ressources, et la communication efficace avec les clients et les collègues. Les échanges entre pairs facilitent également le développement d’un réseau de soutien solidaire ; essentiel pour briser l’isolement et favoriser l’inclusion professionnelle. 

Article rédigé par Dr Narcis Heraclide, responsable de la recherche.

Références

  • Bonnami, A. (2019). La reconnaissance des savoirs expérientiels dans la formation de pairs aidants. Vie Sociale, n° 25-26(1), 225–242. https://doi.org/10.3917/vsoc.191.0225
  • Cardinal, P., Roelandt, J. L., Rafael, F., Vasseur-Bacle, S., Francois, G., & Marsili, M. (2013). Pratiques orientées vers le rétablissement et pair-aidance: Historique, études et perspectives. Information Psychiatrique, 89(5), 365–370. https://doi.org/10.1684/ipe.2013.1070
  • Charlier, É., & Sandron, L. (2018). Les pairs aidants : vecteurs ou victimes de précarisation du travail social ? Le Sociographe, n° 64(4), 71. https://doi.org/10.3917/graph.064.0071
  • Cloutier, G., & Maugiron, P. (2016). La pair aidance en santé mentale : L’expérience québécoise et française. Information Psychiatrique, 92(9), 755–760. https://doi.org/10.1684/ipe.2016.1545
  • Gardien, È. (2022). Les échanges entre pairs contribuent-ils à l’autodétermination des individus ? De quelles manières ? La Nouvelle Revue – Éducation et Société Inclusives, N° 94(2), 181–195. https://doi.org/10.3917/nresi.094.0181
  • Veit, C. (2018). What Mary Barnes teaches us about peer support. Information Psychiatrique, 94(7), 557–562. https://doi.org/10.1684/ipe.2018.1842

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