Sylvie Seksek est consultante et conférencière sur l’autisme en entreprise et dans l’enseignement supérieur. Elle exerce avec le statut de TIH. Également auteure, Sylvie témoigne avec humour à travers son livre de son parcours professionnel et de son diagnostic d’autisme. Retrouvez dans cet article l’interview de Sylvie, TIH accompagnée par Linklusion et le programme TIH-Booster.
Quel a été ton parcours professionnel ?
J’ai connu une première période professionnelle chaotique, de mes 19 à mes 50 ans. En 31 ans de vie professionnelle, j’ai travaillé pour plus de 80 sociétés. Je démissionnais sans cesse, sans comprendre pourquoi je ne restais pas en place. Et puis il y a eu la période post diagnostic d’autisme.
En effet, à l’âge de 50 ans, j’ai été diagnostiquée autiste. La neuropsychologue qui a réalisé mon bilan de pré-diagnostic a manifesté ses inquiétudes, à savoir que je tiendrais difficilement jusqu’à la retraite comme ça, à changer tout le temps d’emploi. Elle m’a fait part d’une expérience pilote menée par l’université de la Sorbonne-Nouvelle. Un Master* adapté aux autistes. J’ai suivi ce Master en alternance dans un poste avec des aménagements, le premier. À cette occasion, j’ai appris beaucoup de choses sur l’autisme dans le cadre des études et dans le cadre professionnel, à travers mon expérience mais également celle de mes camarades autistes de promo. Cela m’a incitée à faire mon mémoire sur le sujet des aménagements à destination des autistes en entreprise ordinaire. Cette expérience a été déterminante pour ma carrière professionnelle. Une fois mon master en poche, je me suis reconvertie dans le domaine de l’emploi pour les personnes autistes sans déficience intellectuelle ni retard de langage.
*Master (ECOSIM) effectué à distance et en alternance et dédié à la Communication, aux Systèmes d’Information et aux Médias.
Comment expliques-tu ce diagnostic de TSA ou autisme Asperger tardif à 50 ans ?
Jusqu’à mes 45 ans passés, j’ai intégré mes difficultés comme faisant partie de mon fonctionnement et du fonctionnement de tout le monde. Je pratiquais beaucoup le camouflage, je copiais les non-autistes, comme la plupart des autistes, mais sans en avoir conscience. Je n’avais donc a priori, aucune raison d’aller consulter un psy. C’est peu après mes 45 ans que je me suis décidée à consulter, pour alléger ce quotidien, qui me semblait pesant. Il s’est avéré par la suite que ce que j’attribuais à de la lourdeur était en fait mon autisme.
Comment l’as-tu vécu ? Quelles ont été les conséquences (perso/pro) ?
L’annonce de mon diagnostic fut pour moi une grande libération. J’ai enfin compris l’origine de ce sentiment de décalage. Et surtout, je n’étais plus un électron libre et décalé. Nous étions nombreux dans ce cas-là.
Mon diagnostic de TSA m’a également permis de comprendre que ce que j’attribuais à des difficultés de compréhension de ma part étaient en fait des difficultés liées à mes spécificités autistiques; telles que mes difficultés avec le traitement de la voix humaine ou bien avec les notions abstraites ou encore mon trouble visuo spatial. J’ai ainsi cessé de m’auto-flageller parce que je n’avais jamais obtenu le permis de conduire, en dépit d’un nombre de leçons record. J’ai aussi enfin compris que je n’étais pas instable professionnellement. C’est juste que “ça n’était pas le bon costume pour moi”.
Et aujourd’hui tu es T.I.H. (travailleur indépendant handicapé), peux-tu m’expliquer quel est ton métier ? Comment vis-tu l’entrepreneuriat ?
Je suis consultante et conférencière sur l’autisme. Je fais de la sensibilisation en entreprise et dans l’enseignement supérieur. J’effectue également du job coaching pour les étudiants autistes alternants de l’enseignement supérieur que j’accompagne depuis leur CFA jusqu’à l’entreprise d’alternance. J’ai aussi participé à une recherche sur le thème des dispositifs d’emploi accompagné pour les personnes autistes, financée par la FIRAH. Et puis j’écris aussi.
Le statut de freelance s’est imposé à moi car j’avais trop la bougeotte quand j’étais salariée. Grâce à mon diagnostic de TSA, j’ai compris que j’ai un fonctionnement particulier qui ne s’accommode pas toujours avec un mode de travail en salariat. Cela m’a conduite à créer ma propre fonction, sur-mesure. Le statut de freelance me convient car je serai a priori moins exposée au jeunisme qui sévit parfois en entreprise. Par ailleurs, en tant qu’autodidacte, je me sentais souvent décalée quand j’étais salariée. J’ai pu rencontrer quelques problèmes de communication avec certains de mes supérieurs hiérarchiques, qui avaient un profil linéaire et diplômé, à l’opposé du mien. Nous n’avions absolument pas le même type de connaissances et en l’absence de diplôme de l’enseignement supérieur, les miennes n’étaient pas valorisées. Cela a pu contribuer à créer une défiance mutuelle entre ces hiérarchies et moi, provoquant une fois de plus un sentiment de décalage chez moi. Seul point négatif au statut de freelance : il me manque des collègues avec lesquels échanger au quotidien.
Tu es accompagnée depuis juillet 2021 chez TIH-Booster, peux-tu nous raconter quels sont les sujets principaux de ton accompagnement et ce que ça t’apporte ?
J’ai connu TIH Booster grâce à une connaissance qui travaillait chez CAP emploi. J’ai pu être accompagnée physiquement lors d’événements. En effet, j’ai un problème de traitement de la voix humaine et ne retiens pas l’intégralité de ce qui m’est dit oralement. Le fait d’être accompagnée par ma référente TIH-Booster allège considérablement ma charge mentale avant et pendant les événements en question. En effet, cela me permet de me consacrer à 100% sur mes échanges avec mon interlocuteur. Je sais également que si quelque chose m’échappe, ma référente l’aura retenue. Par ailleurs, elle a été très présente au moment du montage de dossier de demande d’aides auprès de l’Agefiph ; telles que le financement de déplacements professionnels, de matériel (écouteurs réducteurs de bruit) ou encore d’une auxiliaire professionnelle dans le cadre de mon activité.
En 2023, tu as publié ton livre “Autiste Asperger à 50 ans – Concrètement, que faire ?” : peux-tu nous en dire davantage ?
Dans ce récit rempli d’anecdotes et traité sur le ton de l’humour, je revois mon parcours et je décris la façon dont la conscience de mon autisme a bouleversé ma vie personnelle et professionnelle. Ce livre s’adresse à toutes les personnes, autistes et non-autistes, désireuses d’en savoir plus sur l’autisme « vécu de l’intérieur ». Certains pourront se reconnaître dans les situations que j’ai rencontrées et trouver quelques explications ou idées pour soulager leurs difficultés. Les accompagnants de personnes autistes comprendront ainsi comment certaines situations de la vie courante, anodines pour des non-autistes, peuvent être excluantes, voire lourdes de conséquences. L’idée est de donner des clés pour mieux appréhender les personnes autistes et leurs enjeux au quotidien.
Et pour la suite ?
Je souhaite me concentrer sur les missions à forte valeur ajoutée, grâce à ma collaboration avec une professionnelle qui m’aide pour les parties administratives et commerciales de mon activité. J’aimerais collaborer avec d’autres entrepreneurs autistes autour du sujet de l’emploi des personnes autistes. Nous sommes plusieurs à apporter des initiatives, chacun de son côté, et je pense qu’il serait très intéressant de nous rapprocher afin de proposer des services qui couvriraient la durée du cycle de vie de l’emploi pour une personne autiste ; depuis l’accès aux études supérieures jusqu’à la retraite, par exemple.
Pour en savoir plus :
Une interview de medisite : https://www.medisite.fr/la-parole-aux-patients-autisme-apres-50-ans-je-sais-que-je-ne-suis-pas-un-ovni.5712140.869545.html
Ses billets-témoignages sur le site du HuffPost : https://www.huffingtonpost.fr/author/sylvie-seksek
Son livre “Autiste Asperger à 50 ans – Concrètement, que faire ?” https://tompousse.fr/livre/autiste-asperger-a-50-ans/
Site professionnel : https://conseilautismentreprises.com
Son instagram : https://www.instagram.com/sylvie.seksek/
Pour en savoir plus sur les services de Linklusion et le statut de Travailleur Indépendant Handicapé (TIH), rendez-vous sur notre FAQ !